Nous inaugurons notre série d’évocation du passé de Goyrans par la fameuse
monographie de 1884, due à M. Delmas, l’instituteur de la commune.
Quelle est donc son origine ?
A l’occasion de la préparation de l’exposition universelle de 1889, tenue à Paris, le Ministère
de l’Instruction Publique (Eugène Spuller) avait demandé à tous les instituteurs de France de
rédiger une monographie de leurs communes. Pourtant, des initiatives semblables avaient été
prises dans divers départements, dont celui de la Haute-Garonne où l’on a rédigé ces
documents dès 1884-18851.
« De mémoire d’instituteur. Les monographies communales de la Haute-Garonne »
Brigitte Saulais – 1993, Archives Départementales de la Haute-Garonne.
Il s’agit du plus vieux manuscrit connu donnant une description détaillée du village et de la vie de ses habitants !
Les premiers départements à avoir rédigé de telles monographies semblent avoir été la Lozère(1862), le Loiret (1874), l’Aisne (1883) et donc la Haute-Garonne (1885), département précurseur en la matière.
Monographie de la commune
de Goyrans
Haute-Garonne
1ère Partie
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Chapitre I
La commune de Goyrans située à 0°50’ de longitude Ouest et à 43°29’ de latitude Nord, est bornée au
Nord par la commune de Lacroix-Falgarde, à l’Est par celle d’Aureville, au Sud par celle de Clermont et à
l’Ouest par celles de Laberthe et de Pins-Justaret.
La plus grande longueur du Nord au Sud, des ruisseaux du Cossignol à celui de Regautier est de 2 600
mètres et sa plus grande largeur, de l’Est à l’Ouest, du ruisseau des Madralore à la rivière de l’Ariège est de
2 640 mètres. Sa surface est de 530 hectares 60 ares.
Goyrans est à 10 kilomètres de Castanet, son chef lieu de canton, et à 17 kilomètres de Toulouse, son
chef lieu d’arrondissement et de département. Le voyageur peut abréger ces distances en suivant des chemins
ruraux non classés et des sentiers battus praticables pendant la saison d’été. La commune de Goyrans occupe un des sites les plus pittoresques et les plus arides du Lauraguais.
Perché sur les coteaux escarpés des bords de l’Ariège, son territoire a la forme d’un mamelon dont la surface est
déchirée par des ravins assez profonds et qui sont autant de précipices pour les chemins qui les longent. De
nombreux petits ruisseaux, à sec durant presque toute l’année, deviennent par les pluies d’orage autant de petits
torrents qui entrainent avec eux la terre des champs et les arbres qui les bordent.
Le village placé sur un des points les plus culminants des bords de l’Ariège, domine les vallées de
l’Ariège, de la Lèze et de la Garonne et on a sous les yeux le superbe panorama des Pyrénées et de Toulouse
formant un cirque immense à travers lequel serpentent les eaux de l’Ariège et de la Garonne. Le sol est argilo
calcaire et repose sur du sable de sédiment ou le tuf bleuâtre.
Goyrans est séparé de Labarthe et de Pins-Justaret par l’Ariège, une bande de terre, dite la plaine du
moulin, resserrée entre ce cours d’eau et les coteaux abrupts, est fertilisée par les alluvions fréquents qu’elle
reçoit. Cette rivière a pour affluents, dans la commune, les ruisseaux de Ragautier, du Rival et du Bugat, à sec
pendant la moitié de l’année.
L’Ariège à cause de son éloignement du village, ne sert qu’à abreuver les animaux pendant l’été. Pour
les besoins du ménage, on a recours aux eaux de puits forts, rares en été, cuisant assez bien els légumes mais
ayant le plus souvent sur ces hauteurs une saveur terreuse.
Goyrans, par son altitude de 270 mètres environ, est exposé à tous les vents, l’Autan ou vent du midi y
souffle avec rage, tandis que le vent d’Ouest s’y convertit souvent ouragan déracinant les arbres, flétrissant les
récoltes, renversant même d’une pièce le clocher de l’église. Au vent d’Ouest succède d’ordinaire la pluie qui
fait baisser la température. La température ordinaire est entre +4 et +30. Rarement elle descend au dessous de
glace, rarement aussi elle monte au dessus de 35°. Durant les chaudes journées d’été, une brise bienfaisante
souffle souvent vers midi et vient adoucir les fatigues du cultivateur en lui aidant à mieux supporter les fortes
chaleurs.
Le climat est très sain, rarement le brouillard couvre les terres ; les vents le dispersent. Depuis 23 ans
que nous habitons la contrée, nous n’avons jamais oui dire qu’il y ait eu des maladies épidémiques à Goyrans ; il
n’est pas rare d’y avoir des vieillards de plus de 90 ans. Nous en avons même connu un qui mourut à l’âge de
100 ans.
Chapitre II
D’après le recensement de 1881, le chiffre de la population de la commune de Goyrans est de 181
habitants. Ce chiffre tend plutôt à augmenter qu’à diminuer parce que la commune est composée en général de
petits propriétaires cultivant eux-mêmes leurs terres et qui ne tendent qu’à prospérer et à agrandir leurs petits
domaines.
La population de Goyrans, à cause de la configuration accidentée de son sol, tend à se grouper autours
du clocher. Il n’y a point de hameau, mais quelques maisons éparses, les unes dans des plaines fertiles et bien
cultivées, d’autres sur des dômes arides, et qui n’ont d’autres agréments que celui de voir au loin toutes ces
habitations aboutissant au village par des chemins ruraux en très mauvais état pendant la saison d’hiver.
Il y a dans la commune 48 ménages ou feux.
Le Conseil municipal est composé de 10 membres ayant leur résidence habituelle dans la commune. Le
Maire et l’Adjoint pris dans le sein du Conseil, exercent toutes les attributions attachées à leurs titres. Qu’il nous
soit permis de dire que le Conseil en entier est dévoué aux idées libérales.
La commune relevant autrefois du Curé d’Aureville, avait une chapelle vicairiale qui a été érigée en
succursale. La religion catholique est la seule professée dans la commune.
Goyrans est desservi par la perception de Pechbusque et par le bureau de poste de Castanet.
La valeur du centime est de 24 fr 35 et ses revenus ordinaires s’élèvent à 2,47 fr.
Chapitre III
Le Lauraguais est la partie du département la plus remarquable par la variété de ses produits, mais aussi
celle où le travail est le plus pénible. Il produit surtout du blé et du maïs.
Goyrans exporte normalement environ hectolitres de blé et autant de maïs, des fèves de l’avoine et
autres graminacées, pour 2 000 fr.
La valeur vénale des terres aurait peine à atteindre aujourd’hui le chiffre de 1 900 fr l’hectare, elle
n’augmentera que lorsque des débouchés faciles, tels que la construction d’un pont à Lacroix, la reconstruction
de la route des Etroits, faciliteront l’exportation des denrées et l’importation des engrais de Toulouse.
On a généralement abandonné les jachères pour pratiquer l’assolement triennal. Au blé succèdent les
maïs et les fourrages bisannuels ; presque tout le terrain en jachères est à son tour ensemencé de fèves, pommes
de terre, haricots, vesces, etc. etc. La plupart des terres rapportent ainsi pendant deux années consécutives, des
récoltes sarclées. Il n’y a dans la commune que des bois taillés, essence de chênes abattus tous les 14 ans. Leur rapport est
d’environ 3 % de bénéfice net.
Tous les bois défrichés sont convertis en vigne. La production moyenne est de 25 hectolitres par
hectare.
Les vins sont généralement clairets et faibles, c’est à peine s’ils ont de 6 à 7 degrés ; ils sont dédaignés
dans le commerce. On ne doit donc viser qu’à sa provision, à moins que l’on ne plante des cépages avantageux
quant au rendement et à la qualité. Les vignes n’ont pas eu à souffrir jusqu’à ce jour du phylloxéra et leur
végétation est généralement très vigoureuse.
Les prairies naturelles réussissent peu ou point ; les luzernes donnent parfois de bons résultats, mais
elles ont l’inconvénient d’être de courte durée dans nos terrains argileux ; la mousse, les mauvaises herbes
l’épuisent en peu de temps. Le terrain convenant au contraire aux céréales, on élève beaucoup de mangeurs de
grains : poules, oies, dindons, porcs.
Depuis le déboisement dans la commune, le gibier est devenu très rare et on ne se livre à la chasse que
par distraction.
Plusieurs habitants de la commune vont le dimanche sur les bords de l’Ariège, se distraire en pêchant à
la ligne, quand cela est permis, ils sont heureux quand ils peuvent rentrer avec une friture de poissons et trouvent
ces moments bien plus agréables et plus avantageux pour leur santé que ceux qu’on passerait au cabaret où l’on
ne respire que l’odeur du vin et de la fumée du tabac.
Quatre chemins vicinaux se croisent sur la place du village : le N° 1 conduit à Lacroix-Falgarde, le N° 2
à Clermont par la place du Cerisier, le N° 3 a Aureville et le N°4, encore inachevé, sur les bords de l’Ariège.
Tous ces chemins sont de construction très récente.
Quelques chemins ruraux font communiquer les diverses fermes avec les lignes subventionnées.
Goyrans est à proximité de trois stations de chemin de fer : Pins, Pinsaguel et Portet. La distance
moyenne est de 5 kilomètres.
On se rend à Castanet en passant par Aureville, Vigoulet et Mervilla, à Toulouse, soit en passant par
Lacroix et Vieille-Toulouse, soit en franchissant l’Ariège à Lacroix ou la Garonne à Portet. On peut prendre à
peu de frais l’omnibus ou les diligences de Lézat et de St Sulpice de Lézat à Pinsaguel ou à Portet.
Le commerce local consiste dans la vente des denrées, blé, maïs, avoine, etc. Cette exportation peut à
peine atteindre le chiffre de 8 000 fr. Il n’y a pas d’autre commerce dans la commune si ce n’est la vente ou plus
souvent l’échange des animaux de travail ; pour ces dernières opérations on va aux foires les plus fréquentées et
les moins éloignées qui sont : Montgiscard, Auterive et Venerque.
Les mesures métriques sont généralement adoptées, cependant il y a encore quelques personnes qui
parlent de l’arpent, qui vaut 56 ares 90 centiares, de la pugnère, 14 ares 22 centiares, de la mesure, 7 ares 11
centiares et du boisseau, 1 are 78 centiares.
Chapitre IV
Nous ne pouvons rien dire sur l’étymologie du nom de la commune, ni sur son histoire, faute de tous
documents aux archives communales. Les mœurs des habitants sont douces et l’on remarque chez eux
l’humanité et l’affabilité. Tous les habitants professent la religion catholique, sans cependant être exagérés dans
la pratique de leurs devoirs religieux.
Le costume du pays est simple et de bon goût ; on voit qu’il y a dans la commune une certaine aisance.
L’alimentation est généralement bonne, il n’y a pas de famille qui ne tue un cochon, des oies ou des
dindons pour faire un bon salé. Les jours de fête, on achète de la viande de boucherie. Tout le monde achète le
pain au boulanger et il n’y a personne qui se passe de vin, au moins à l’époque des pénibles travaux.
Chapitre IV (annexe)
Les enfants de Goyrans reçoivent l’instruction depuis fort longtemps dans les communes de Lacroix
Falgarde et d’Aureville ; il y a peu de jeunes gens de l’âge de 25 ans qui ne sachent lire, écrire et compter. En
1884, il n’y a pas eu de conscrits illettrés, ni de conjoints qui n’aient su signer leurs noms sur leur acte de
mariage.
A l’avenir, l’instruction fera plus de progrès dans la commune, une magnifique maison d’école étant, en
ce moment, en voie de construction sur la place publique, à portée de tous les enfants en âge de pouvoir la
fréquenter. On espère que cette construction sera terminée avant le mois d’octobre prochain et qu’un instituteur y
sera installé à la rentrée qui suivra les vacances prochaines.