Mon Village
Le Baron RITAY bloque avec 2 hommes l’armée anglaise à Portet sur Garonne
Pourquoi une bataille à Toulouse ?
Au cours de son histoire,Toulouse ne connaît l’épreuve de la guerre qu’à deux reprises :
– Au cœur de la tragédie Cathare où, en moins d’une décennie, de 1211 à 1219, elle repousse 3 sièges des croisés du nord et où leur chef, Simon de Montfort, trouve la mort devant les remparts de la ville.
– Et lors de la bataille du 10 avril 1814.
Il faut souligner que la bataille de Toulouse de 1814 n’est pas une bataille urbaine. Elle se déroule dans le proche environnement de la cité, c’est à dire dans les faubourgs immédiats, sans combat de rue, sans siège et sans investissement de la ville.
Les combats qui ont eu lieu dans le sud-ouest, depuis les Pyrénées jusqu’à Toulouse, ont été éclipsés à la même époque par la campagne de France qui marque les derniers soubresauts militaires de l’Empire. Les historiens des campagnes de l’Empire ont toujours privilégié les batailles où se trouvait engagé Napoléon.
C’est pour cela que la confrontation qui s’est déroulée aux portes de Toulouse a été qualifiée de « bataille oubliée ».
En ce printemps 1814, l’épopée impériale touche à sa fin. Napoléon a abdiqué depuis le 6 avril, mais, en pratique, il faut 5 ou 6 jours pour qu’une nouvelle parvienne de Paris à Toulouse et encore, à condition de ne pas être interceptée.
Les armées françaises quittent l’Espagne, talonnées par une coalition regroupant anglais, espagnols et portugais. Son commandant en chef n’est autre que le marquis de Wellington.
L’armée française, massée sur le versant espagnol des Pyrénées, est reprise en main dès le 12 juillet 1813 par le maréchal Soult, nommé lieutenant-général en Espagne. Jean-de-Dieu Soult est né en 1769 près de chez nous, dans le Tarn, à Saint Amans -La Bastide ; Napoléon dira de lui qu’il a été « le premier manœuvrier de l’Europe ».
Quelle armée atteindra Toulouse la première ?
Depuis la frontière espagnole, les deux armées se poursuivent.
Soult franchit les Pyrénées par le Pays basque et suit la route de Saint Gaudens puis de Muret vers Toulouse, où il arrive le 24 mars.
Son objectif est triple :
– faire la jonction avec le maréchal Suchet qui ramène l’armée de Catalogne par le Roussillon vers Narbonne ;
– s’éloigner de Bayonne pour entraîner les coalisés anglais loin de l’océan par lequel ces derniers reçoivent subsides et troupes de renfort. La ligne de ravitaillement ennemie ainsi allongée est plus vulnérable et Wellington s’affaiblit donc d’autant ;
– atteindre Toulouse pour s’y réapprovisionner : il y a un important arsenal, une fonderie de canons, une poudrerie et le blé du moulin du Bazacle.
De son côté, Wellington, bien qu’ayant pris la route la plus courte par le Gers, arrive en vue de Toulouse 2 jours après Soult. En effet, ce printemps 1814 est très pluvieux et par conséquent Soult choisit la route de Saint Gaudens, plus longue mais en bien meilleur état, car la pluie qui détrempe les chemins creusés d’ornières et une région vallonnée vont ralentir Wellington.
Mettant à profit ces 2 jours, Soult établit une ligne d’ouvrages de défense bloquant les principales voies d’accès de la capitale languedocienne.
L’objectif de Wellington est simple : éviter la jonction des armées de Soult et Suchet, ce qui le mettrait en difficulté, en s’interposant entre celles-ci.
Pour réaliser son plan, il décide de contourner Toulouse en traversant la Garonne soit en amont, soit en aval.
Finalement, le choix de Wellington est de franchir le fleuve à quelques kilomètres en amont de Toulouse au village de Portet.
C’est là que se situe l’intervention de notre héros, le général baron Jean-Marie RITAY, valeureux retraité de l’armée qui va retrouver son dynamisme juvénile !
Qui était Jean-Marie Ritay ?
Né en 1761 à Portet sur Garonne où son père était menuisier puis instituteur, le jeune Ritay s’engage à 20 ans dans l’armée. En 1782-1783, il fait partie du corps envoyé en Amérique sous les ordres du général Rochambeau, participant à la guerre d’indépendance contre les Anglais.
Sa carrière est rapide : nommé sergent-major en 1789, lieutenant en 1792, il est élevé au grade de chef de bataillon en 1794 dans l’armée du Rhin, sur le champ de bataille devant Mayence.
En 1797, à Kehl, il est gravement blessé à la cuisse gauche, ce qui lui vaut 8 mois de convalescence.
En 1799, en Suisse, il s’illustre dans l’armée de Masséna qui le nomme colonel après qu’il s’est couvert de gloire aux combats de Zürich, de Hohenlinden et à la prise de Memmingen en Bavière.
Pendant l’épopée napoléonienne il sert sous les ordres des maréchaux Mortier et Bernadotte.
Il prend part, dans la Grande Armée, aux campagnes d’Autriche, de Prusse, de Pologne et est plusieurs fois blessé. Il se fait remarquer en octobre 1805, à la prise d’Ulm, où le général Lannes lui rend devant les troupes un solennel hommage pour son héroïsme.
Encore blessé, cette fois au bras gauche le 11 novembre 1805, lors de la victoire de Nürstein, sa blessure ne l’empêche pas de combattre 3 semaines plus tard à la glorieuse bataille d’Austerlitz, avec tant d’héroïsme que, dès le lendemain le 3 décembre, Napoléon le choisit pour être général de brigade.
Criblé de blessures le rendant désormais inapte à servir sur les champs de bataille, il est désigné par Napoléon pour être gouverneur de plusieurs places conquises dont : Munich, Würzbourg et Dantzig.
Mais sa santé se dégradant toujours, l’empereur doit, bien à contrecœur, le renvoyer en France en 1807 pour le faire soigner à l’hôpital militaire de Barèges dans les Pyrénées. Sitôt partiellement rétabli, Ritay se voit confier par Napoléon le commandement de la 10° division militaire de Toulouse comprenant plusieurs départements du massif pyrénéen : Pyrénées Orientales, Ariège, Haute-Garonne, Hautes Pyrénées auxquels s’ajoutent le Gers et l’Aude.
Son état déclinant encore, il décide d’abandonner l’armée après 27 ans de carrière et 21 campagnes, en demandant sa mise à la retraite en 1808.
La même année, en reconnaissance de ses brillants états de service, il devient baron d’Empire avec une dotation de 10 000 Frs de revenus.
L’Empereur, qui l’avait déjà décoré de la Légion d’Honneur, lui attribue comme blason un lion et un glaive, armoiries ô combien parlantes pour un militaire !
La fin de sa vie au château de Creuse :
Revenu à Portet, il acquiert le château de Creuse. Situé dans l’enclave de la commune de Portet, sur la rive droite de l’Ariège et limitrophe des communes de Lacroix-Falgarde et Vigoulet Auzil, il est juste avant et presque en face de l’actuelle station d’essence en direction de Toulouse.
Ce château, qui nous est si familier quand nous l’apercevons depuis la voiture, que savons-nous de son histoire ?
Ce charmant manoir à taille humaine fut construit à la fin du XVI° ou au début du XVII°. Il fut sans doute édifié par Guillaume Mestre dit Boisson car il était l’héritier de Guillaume Boisson, marchand toulousain enrichi dans le commerce du pastel. Lui même était aussi marchand et fut capitoul en 1625-1626 ; il possédait plusieurs immeubles dans le centre ville de Toulouse .
Le corps du château avec briques apparentes est protégé par 2 tours en encorbellement (en porte à faux sur un mur et supportées par des consoles ou des corbeaux) couvertes d’ardoises. Elles sont positionnées en diagonale par rapport au bâtiment, avec des petites meurtrières permettant de se défendre sur les 4 côtés. À l’origine, le château possédait des fenêtres à meneaux qui ont été supprimées au XVIII° et remplacées par des ouvertures plus hautes.
Dans les jardins, situés à l’arrière du bâtiment, se trouvait une orangerie ; celle-ci a été transformée en habitation et sur sa façade sont scellés 4 médaillons en terre cuite contenant chacun une inscription à la gloire d’Henri IV.
Au XVIII°, Creuse passa à la famille Daumazan par le mariage d’Armande Mestre avec Pierre Daumazan, lui aussi capitoul en 1756-1757.
Pendant la Révolution, le manoir est vendu par Jean-Paul Daumazan à Marie-Thérèse Ferrati-Grenville. Celle-ci était la fille illégitime de lord Grenville, ancien premier ministre anglais, et d’une artiste italienne.
En 1809, elle vendit ce bien au général Ritay dans la famille duquel il reste jusqu’en 1932. Le domaine fut alors revendu par M. Biscons-Ritay à la famille Jany qui en est toujours propriétaire à ce jour.
On peut admirer dans le grand salon du rez de chaussée au plafond peint, plusieurs souvenirs du Général Ritay : 2 sabres,une paire d’épaulettes et un portrait le représentant en grand uniforme, le bicorne à la main.
En 1810, le Baron Ritay, âgé de 49 ans, épouse Guillaumette-Paule BISCONS, une toulousaine de 24 ans sa cadette dont il aura 3 enfants.
« Je puis bien commander une armée, mais pas la générale » dit-il plaisamment.
Il coule des jours paisibles jusqu’aux événements qui se déroulèrent à Portet quelques jours avant la bataille de Toulouse.
Après l’Empire, Ritay perd sa dotation mais ses mérites sont cependant reconnus par le roi Louis XVIII qui le nomme maréchal de camp et lui attribue la croix de Saint Louis.
Couvert d’honneurs, Ritay a gardé toute sa simplicité et ne renie jamais sa modeste origine. Une anecdote l’illustre parfaitement :
Alors qu’il venait d’arriver à Toulouse, le préfet du département l’invita à dîner. Avant de passer à table, le préfet voulut lui faire admirer les belles sculptures de son salon.
« Je les connaissais avant vous, lui dit le général. J’ai travaillé à ces frises et ces corniches lorsque j’étais garçon – sculpteur à Toulouse. »
Ritay est nommé maire de Portet peu de temps avant sa mort.
Très diminué par ses multiples blessures, il s’éteint d’une attaque d’apoplexie foudroyante en 1819, à l’âge de 58 ans, dans son château de Creuse.
Le « journal politique et littéraire de Toulouse et de la Haute Garonne » du 16 avril 1819 insérait la note suivante :… « La France perd dans ce Général un excellent citoyen et sa famille un chef dont les vertus lui en feront toujours chérir la mémoire ».
Il repose au cimetière de Portet sur Garonne, dans un modeste tombeau.
Ce héros de légende ne mérite pas l’oubli mais nul n’est prophète …
Ritay et la bataille de Portet :
L’histoire montre que ce n’est pas toujours le plus fort qui gagne une bataille. L’art de la guerre, c’est aussi celui de ruser et de tromper l’ennemi par de fausses démonstrations et finalement l’amener à faire un mauvais choix.
Ce précepte fut magnifiquement illustré par un héros obscur de la dernière épopée napoléonienne, mis à la retraite pour invalidité, le général baron Jean-Marie Ritay.
Nous sommes au mois de mars 1814 et ….
Pour passer inaperçus, les Anglais se présentent au bac de Portet dans la nuit du 28 mars. Ils rétablissent le câble du bac et commencent à mettre en place des pontons. Mais ici, ils doivent affronter un homme plein d’initiative, le général baron Ritay qui habite avec sa famille le charmant manoir de Creuse, à proximité du fleuve.
Or, ce soir là, un domestique arrive tout affolé au château :
– Général, dit-il, les ennemis sont au milieu du fleuve ! Les pontonniers sont à l’œuvre, dans trois quarts d’heure ils seront chez nous !
Aussitôt, Ritay expédie à la hâte son jardinier avertir les avant-postes français qui occupent Vieille-Toulouse. En les attendant, le baron ne reste pas inactif et décide d’intervenir avec l’aide de 2 hommes dévoués et courageux, son domestique et Antoine Lassus, pêcheur de gravier et ami d’enfance. Tous trois s’arment et partent vers le bac, Ritay demandant également au domestique de se munir d’une hache. Les pontonniers anglais sondent le fleuve. Déployée aux abords de la descente du bac, l’armée ennemie surveille la rive opposée .
Profitant de la nuit pour se dissimuler, les voilà cheminant sans bruit le long des fossés, abrités par le feuillage des haies. Arrivés au bord du fleuve, Ritay donne ses ordres à voix basse. Le domestique sort du couvert en rampant comme une anguille, se glisse jusqu’au pied du poteau qui retient le câble du bac et les pontons puis l’abat à la hache. Au même instant, Ritay et Lassus, masqués par des fourrés tirent à feu nourri en direction des Anglais sur l’autre berge. Puis sans cesser leurs tirs, ils alimentent plusieurs feux, faisant croire à des bivouacs de l’armée française.
En outre, les conditions atmosphériques vont contribuer au succès de leur entreprise, car, comme souvent dans la région toulousaine, le printemps étant très pluvieux, la Garonne est en crue et un fort courant emporte les pontonniers ennemis. Effrayés par cette action et persuadés que la rive droite est défendue par un important détachement français, les Anglais renoncent à traverser à cet endroit et font demi-tour. L’ardeur de vaincre cède à la peur de mourir !
Ainsi un général en retraite, avec seulement deux compagnons résolus, met en
déroute l’aile droite de l’armée anglaise soit : 3 brigades britanniques, 3 brigades portugaises, 3 brigades espagnoles et un escadron de cavalerie espagnole réunissant au total 13 000 hommes !
Soult, prévenu, vient le lendemain se rendre compte sur place et félicite le général Ritay pour sa courageuse et efficace initiative.
Puis, dans le salon du château, se tient un conseil de guerre. Le maréchal Soult et plusieurs de ses officiers d’État-Major, déployant de grandes cartes, cherchent à découvrir la marche de l’ennemi.
En outre, ils recueillent les renseignements que les paysans des environs viennent spontanément apporter à Ritay, l’enfant du pays en qui ils ont toute confiance.
Et, l’espace de quelques heures, le château de Creuse devient le quartier général du maréchal, duc de Dalmatie…
La première tentative de Wellington pour traverser la Garonne se termine donc par un échec complet.
Wellington décide alors de remonter le fleuve jusqu’à Roques et ses troupes traversent la Garonne entre Roques et Pinsaguel. Par la route de Pamiers, les Britanniques progressent jusqu’à Auterive. La crue de l’Ariège les empêchant de passer, les coalisés y campent. Ils atteignent ensuite le pont de Cintegabelle le 31 mars, franchissent enfin l’Ariège et se dirigent vers les coteaux.
Des hauteurs de Pech-David, le général Clauzel, ariégeois natif de Mirepoix, alerte Soult qui lui ordonne de faire mouvement avec sa brigade et sa cavalerie vers Vieille-Toulouse, Pechbusque et Goyrans afin de surveiller les mouvements de l’ennemi.
L’ennemi, où est-il ? Que fait-il ?
Parbleu, il est enlisé, embourbé dans la belle et profonde terre glaise de notre Lauragais !! Sur les coteaux, dans les chemins détrempés et défoncés par la pluie incessante, les convois sont englués en permanence. Malgré la réquisition de paysans avec leurs attelages de bœufs, l’artillerie ne peut plus faire un pas !
Alors que l’avant-garde atteint péniblement Nailloux, à seulement quelques kilomètres de Villefranche de Lauragais et de la route de Narbonne tant convoitée, Wellington change complètement ses plans, rebrousse chemin et décide de contourner Toulouse beaucoup plus en aval, par l’ouest vers Tournefeuille et par le nord vers Blagnac et Grenade.
Si la première manœuvre avait réussi, la route de Narbonne aurait été bloquée et le maréchal Soult aurait été obligé de se replier en direction de Montauban pour espérer rejoindre Paris. Les hasards de l’histoire feront que ces 2 chefs de guerre se retrouveront face à face 14 mois plus tard, le 18 juin, dans la « morne plaine » de Waterloo…
« De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace » disait l’orateur révolutionnaire Danton…
L’intrépide Général Ritay n’en manqua pas !
Par un exploit fabuleux, il réussit non seulement à intimider l’ennemi au point de le faire reculer, mais aussi à modifier les projets anglais et encore à retarder de 13 jours l’affrontement des 2 armées avant la chute de Toulouse.
Qui a gagné la bataille de Toulouse, Soult ou Wellington ?
La bataille s’engage le 10 avril 1814, jour de Pâques, à 6 heures du matin et se prolonge jusqu’à 21 heures.
Quels sont les effectifs des deux armées en présence ?
Soult aurait disposé pour la bataille de 41 500 hommes dont 35 000 engagés au combat contre 53 000 hommes dont 45 000 engagés au combat pour Wellington. Pour les coalisés, les pertes ont été supérieures à celle des Français puisque le total des pertes humaines est estimé à 3 200 pour les Français et à 4 750 du coté adverse.
Les Français, malgré leur infériorité numérique, ont partout bien résisté puisque la plupart des assauts ont été repoussés ou tout au moins contenus. En outre, seules les lignes de défense les plus avancées ont été perdues.
Deux facteurs extérieurs brouillent l’analyse de la bataille :
1) l’attitude de la population : en effet, les troupes françaises sont accueillies sans enthousiasme par les Toulousains, surtout quand ils constatent que les défenses de la ville ont été renforcées, ce qui ne présage rien de bon. La population n’est pas disposée à soutenir un siège, c’est un handicap connu de Soult mais Wellington l’ignore.
Le 12 avril,Wellington fait une entrée triomphale dans la ville ; il a pris Toulouse mais… après le départ en bon ordre du maréchal Soult et de son armée !
Et c’est l’Anglais qui a subi les plus lourdes pertes.
2) L’imminence du changement de régime politique en France :
Cette première confrontation n’a donc pas été décisive sur le plan militaire et on pouvait s’attendre à ce que les hostilités reprennent dès le lendemain, mais il n’en a rien été. La journée du 11 avril se passe dans le plus grand calme. Les deux camps sont sans aucun doute conscients de l’inutilité de poursuivre les hostilités alors que tout est peut-être déjà joué à Paris.
Étrange bataille dont chacun peut revendiquer la victoire ! Napoléon à Sainte Hélène dira de Soult : « toute sa campagne du midi de la France est très belle. »
Épilogue :
La bataille de Toulouse nous est chère à cause de notre attachement régional mais surtout parce qu’elle illustre la fin de l’Empire dans notre région qui a toujours gardé ses distances avec l’hégémonie impériale, tout en fournissant de très nombreuses gloires militaires ou civiles.
Dans la France fatiguée des guerres, la bataille de Toulouse est assurément la dernière bataille du Premier Empire ; ensuite viendront l’île d’Elbe, les cent-jours, Waterloo puis Sainte Hélène.
Entre le soleil d’Austerlitz et les brumes de Waterloo, le vent d’Autan toulousain n’a pas poussé la bataille de Toulouse jusqu’à nos livres d’histoire !
Par la suite, la légende napoléonienne, attachée aux pas du grand homme, oubliera allégrement Toulouse, dernière bataille d’un empire bâti avec les vies de tant d’hommes….
Le combat livré 4 jours après l’abdication de Napoléon au château de Fontainebleau est indiscutablement inutile pour l’avenir de la France.
Une bataille pour rien ?
Peut-être, mais incontestablement, une bataille pour l’honneur !
Déploiement de la fibre optique : TERMINE
Les travaux de déploiement de la fibre optique par Fibre31 et son sous-traitant PCE Services pour le compte de Haute-Garonne Numérique sont aujourd’hui finalisés à Goyrans et dans les communes alentour.
La fibre optique est installée en aérien sur les poteaux, ou alors dans des gaines enterrées. Des travaux de génie civil pour enterrer certaines gaines ont été effectués entre le chemin des Biches et le chemin de Rivals. Nous rappelons l’architecture du réseau sur le schéma suivant. Haute Garonne numérique était en charge du déploiement de réseau jusqu’aux PBO (Points de Branchement Optique), coffrets sur des poteaux ou sur les murs.
Une réunion publique s’est tenue le 7 septembre à la salle des fêtes animée par Haute Garonne Numérique. Le public était nombreux. Les opérateurs Orange et Free participaient. La présentation de HG Numérique est ici :
Aujourd’hui, le service commercial est ouvert.
C’est maintenant à l’utilisateur, habitant de Goyrans, à décider s’il veut ou non se raccorder à la fibre, et si oui à choisir son opérateur.
Le raccordement final au Point Terminal Optique (la box) sera effectué par l’opérateur choisi par l’abonné. Ce raccordement choisira de préférence les gaines actuellement en place pour les câbles téléphoniques, après diagnostique de l’opérateur sur l’état de ces gaines.
L’OR bleu du pays de Cocagne – Histoire du pastel dans notre région
Introduction
Le pastel était connu au Moyen Âge et même dès l’Antiquité, dans tous les pays méditerranéens et dans la plupart des pays d’Europe.
Celtes et Gaulois utilisaient le pastel, non seulement pour bleuir leurs tissus et leurs vêtements, mais aussi pour se parer le visage et le corps de signes cabalistiques. Quelle surprise pour Jules César, débarquant en Angleterre, de rencontrer une vieille race celte, du nom de « Picts » (hommes peints), ayant coutume de se frotter le corps avec du pastel !
C’est l’aspect belliqueux de ce maquillage qui impressionna Jules César, lequel mentionne dans ses « Commentaires » sur la Guerre des Gaules (livre V) que : « tous les bretons se teignent avec le pastel sauvage, produisant une couleur bleue, qui leur donne une allure terrible dans la bataille ».
L’un des plus anciens documents législatifs pastellier du Haut Moyen Âge concerne les capitulaires signés par Charlemagne, relatifs à la culture et à l’usage du pastel, qualifié de « Waida » ou « Wadda ». Dans le nord de la France, on l’appelle « guède ».
Les nordiques possédaient également la maîtrise de cette teinture, de même en Angleterre, la culture du pastel commença au début du XIII° siècle.
La renaissance, âge d’or du pastel à Toulouse
À partir du XIV° siècle, la culture du pastel va connaître un essor étonnant aux environs d’Albi dont le commerce florissant de la cocagne (boule de pâte de pastel séché) répond soit à la demande des teinturiers de Rouen qui curieusement l’appelaient Bleu de Perse, soit à celle des grandes foires de la Champagne, via le couloir rhodanien, soit enfin à celle des orientaux par les ports de la Méditerranée ( Narbonne, Sète, Aigues- Mortes, Vendres, Saint Gilles, Marseille etc ).
Devant le succès de cette initiative, la culture du pastel entreprend la conquête de notre secteur, le Lauragais, qui deviendra le plus fameux grenier à pastel d’Europe.
Mais le XIV° siècle est l’un des plus sinistres de l’histoire de France et de l’Occitanie en particulier : guerre de 100 ans avec l’Anglais, peste apportée par les rats d’Asie lors du convoyage des épices, dévastation des campagnes par les Grandes Compagnies. Ces tristes événements retarderont mais n’empêcheront point le développement du pastel dans son élan vers le sud.
À partir du XV° siècle, le développement des industries textiles des régions flamandes et de l’Angleterre engendre une demande de produits tinctoriaux. Dans la nouvelle configuration des circuits commerciaux désormais orientés vers le Nord, Toulouse et sa région étaient doublement favorisées. En effet, le climat du Lauragais, sa géomorphologie – coteaux ensoleillés aux terres argilo-calcaires – et la densité de sa population en faisaient un territoire de prédilection pour une plante qui aime le soleil, ne craint pas la sécheresse, apprécie les terrains calcaires et exige beaucoup de soins, donc une main d’œuvre abondante. De plus, la proximité d’une ville importante facilitait la centralisation des productions en vue de leur commercialisation.
D’autre part, l’axe de circulation que constitue la Garonne avec l’importance du port maritime de Bordeaux et la présence à Toulouse de bourgeois fortunés capables d’investissements importants dans un but spéculatif, font de cette ville la place commerciale toute désignée pour devenir le centre d’un négoce aux dimensions européennes.
La conjonction de tous ces facteurs permet l’extraordinaire réussite de l’industrie pastellière dont les retombées économiques, sociales, culturelles et artistiques font des années 1490-1561 les plus brillantes de l’histoire de Toulouse et de sa région.
Un grand nombre de châteaux et d’hôtels particuliers du pays toulousain sont d’ailleurs édifiés grâce aux revenus du pastel.
De véritables dynasties de marchands pastelliers vont s’implanter à Toulouse. La plupart, sinon tous, d’origine roturière, redorent leur patronyme populaire en achetant des fiefs nobiliaires et deviennent « capitouls ». En outre l’accession au capitoulat leur procurait la noblesse héréditaire. Parmi eux, citons : les Boisson, Beauvoir, Lancefoc, Bernuy, d’Assezat, Delpuech….
À cette époque, malheureusement, les guerres de religion font rage et de nombreux marchands protestants sont menacés, notamment d’Assézat, ou chassés de Toulouse au cours de la Saint Barthélémy (1572).
Les zones productrices pastellières
Le « Pays de Cocagne » au sens étymologique est la région du sud-ouest où l’on pratique le façonnage du pastel en pâte, sous la forme de boules appelées cocagnes. Cette région s’inscrit dans un vaste triangle ayant pour pointe nord Albi, pointe ouest Toulouse et pointe sud Carcassonne. C’est donc en Lauragais et en Albigeois que la densité des zones productrices atteint une concentration exceptionnelle.
Le Lauragais se répartit de nos jours entre 4 départements : Tarn, Aude, Ariège et Haute-Garonne.
Ses frontières naturelles sont :
– au nord : la rivière tarnaise de l’Agout
– au sud : celle de l’Hers
– à l’est : l’Aude à Carcassonne
– à l’ouest : l’Ariège.
Dans l’ordre, pour chaque département, voici le nombre des communes où la culture et la vente du pastel sont attestés au XV° et XVI° siècles : 91 en Haute-Garonne, 26 dans le Tarn, 10 dans l’Aude et 5 en Ariège.
Ce décompte n’est évidemment pas exhaustif, puisque susceptible d’être complété au fur et à mesure de la mise à jour d’archives locales ou privées.
Concernant le nombre de moulins pastelliers en activité au XVI° siècle (l’âge d’or), il n’y a pas de chiffres précis mais ils devaient être de l’ordre de 500 à 700 dans le triangle du « bleu » Albi, Toulouse et Carcassonne. En effet, des petites communes comme le Bourg Saint Bernard, grand centre pastellier, en possédaient une vingtaine, tout comme Cintegabelle.
Tout près de Goyrans, Lacroix-Falgarde fait partie du légendaire Pays de Cocagne. Sur cette commune, la culture du pastel est pratiquée dès 1435, puisqu’à cette date 2 moulins pastelliers y sont construits. L’arpentage de 1581 en mentionne 7, certains démolis, d’autres en état de fonctionner. Le livre de compte de François Delpuech fait mention à plusieurs reprises de la vente du pastel produit à Lacroix-Falgarde et probablement à Goyrans où il possède également des terres, entre 1570 à 1582.
François Delpuech est un bourgeois enrichi par le commerce du pastel et qui a été anobli par une année de capitoulat. En 1569, il achète à l’église et plus précisément au chapitre de Saint Étienne, la seigneurie de Lacroix-Falgarde et se fait construire un château. C’est celui que l’on peut voir encore actuellement à l’entrée de ce village, juste avant le centre commercial, à l’extrémité d’une allée bordée de platanes.
Les moulins pastelliers
Autant les moulins à vent céréaliers ont inspiré à toutes les époques nos comptines ou de grands écrivains comme Cervantes, La Fontaine dans ses fables, Alphonse Daudet, Guy de Maupassant dans un poème, autant les moulins pastelliers sont absents de notre littérature. Cela tient au fait que le moulin pastellier a une structure moins spectaculaire, moins repérable à l’horizon que le pittoresque ouvrage éolien, visible sur sa butte à des kilomètres à la ronde, et dont le gracieux mouvement giratoire des ailes a toujours fasciné les générations passées.
Le moulin pastellier est, dans la plupart des cas, mû par la traction animale, ce qui permet de ne pas être tributaire des aléas climatiques inhérents aux moulins à eau ou à vent. En effet, les feuilles de pastel, une fois récoltées, lavées et séchées ne peuvent pas être stockées avant d’être moulues. Le moulin à traction animale présente donc une sécurité car il peut s’utiliser même en cas de sécheresse ou de manque de vent.
Il fonctionne sur le modèle de la noria : une meule gisante creusée d’une rigole circulaire et traversée d’un axe vertical est surmontée d’une meule roulante, énorme disque de pierre circulant à la verticale autour d’un axe horizontal entraîné par un animal. Celui-ci tourne autour de la meule gisante, dans la rigole de laquelle on place les feuilles de pastel.
Dans la plupart des cas, ces pierres sont en granit du Sidobre (à l’ouest de la Montagne Noire) et ont un diamètre de 130 à 160 cm.
Généralement, on installe le moulin dans un simple hangar couvert, doté parfois d’un étage et d’une porte à double vantaux pour y introduire la charrette.
Ces moulins sont généralement polyvalents car leur activité saisonnière n’aurait pas suffi à les amortir de sitôt. Ils sont certainement utilisés pour moudre des céréales ou produire de l’huile.
La culture du pastel
Un champ de pastel avec ses fleurs jaunes, ressemble à nos champs de colza actuels.
La culture du pastel est difficile car elle exige un travail harassant de la part des paysans. Aussi, chacun n’ensemence en pastel qu’une partie de ses terres et même parfois une simple plate-bande en bordure de son champ. Le souci principal reste les cultures vivrières, le pastel n’étant qu’une culture supplémentaire permettant de se procurer quelque argent.
Dès l’hiver, la terre doit être retournée en profondeur grâce à plusieurs labours.
En février, on sème les graines sous 3 ou 4 cm de terre.
A partir d’avril, les feuilles commence à sortir, à même la terre, comme des salades. Il faut alors biner et désherber soigneusement les champs.
En juin, on peut procéder à une première récolte : celle-ci se fait feuille par feuille, en choisissant avec soin les feuilles mûres qui présentent un liseré violacé.
Cette opération se répète 4 à 5 fois au cours de l’été jusqu’à la dernière récolte d’octobre où l’on cueille tout le pied.
La fabrication du pastel
1° phase : traitement des feuilles ( 3 semaines)
Ce sont les feuilles récoltées, et non pas les fleurs de couleur jaune, qui constituent la matière première de l’industrie pastellière. Une fois cueillies, elles sont lavées à grande eau dans un ruisseau, puis étalées sur un pré ou sur le sol des hangars pendant quelques jours au cours desquels on les retourne fréquemment au râteau afin d’empêcher l’échauffement et le pourrissement.
À l’inverse, les feuilles ne doivent pas être trop sèches.
La récolte est ensuite convoyée jusqu’au moulin pastellier. Les feuilles sont alors réduites en une purée verte que l’on stocke dans un local carrelé légèrement en pente pour accélérer l’égouttage qui durait de 15 à 21 jours.
2° phase : la fabrication des cocagnes ( 4 à 6 semaines).
La pâte obtenue est alors malléable et gluante et l’on fabrique manuellement de petites boules appelées « coques » ou « cocagnes » dont la taille varie d’une pomme à celle d’un petit melon.
Ces boules sont entreposées dans des séchoirs à pastel, sorte de grands hangars munis de claies où elles sont aérées mais à l’abri de la lumière.
La fabrication des coques donne lieu à de grands rassemblements animés et bavards avec la participation de tout le village : femmes, enfants et vieillards s’y attellent car si la tâche est longue et fastidieuse, elle n’est pas trop pénible.
Une fois sèches, les cocagnes sont transportables et c’est souvent à ce stade de fabrication que le paysan les vend à un collecteur qui passe de ferme en ferme.
3° phase : la transformation des cocagnes en « agranat « ( 16 semaines).
C’est l’opération la plus délicate. Les cocagnes devenues très dures en séchant sont brisées en menus fragments avec des masses de bois puis on a de nouveau recours au moulin pastellier.
Elles sont arrosées de purin ou d’urine afin de fermenter et la pâte ainsi obtenue, noire, visqueuse et malodorante doit être régulièrement retournée et mélangée pour que la fermentation soit homogène. À chaque retournement, le pastel est arrosé d’eau et la fermentation de cette pâte dure de 2 à 4 mois. À la fin de cette période, il forme une poudre granuleuse qui ne doit pas être trop fine et que l’on appelle l’agranat. Celui-ci, loin d’être bleu mais plutôt vert de gris, est conditionné dans des balles de toile pesant de 80 à 165 Kgs.
L’agranat est le produit utilisé par les teinturiers et expédié de Bordeaux vers les ports d’Europe du Nord par les marchands pastelliers de Toulouse.
Le pastel du Lauragais a la réputation d’être d’une excellente qualité. Il se conserve très bien, donne une belle couleur qui résiste au temps. Les négociants font donc des bénéfices considérables mais ils doivent être patients : un an s’écoule entre la récolte des feuilles et la mise au point de l’agranat et au moins un à deux ans entre son expédition par Bordeaux et son paiement par lettres de change des négociants anversois ou londoniens.
L’indigo, rival victorieux du pastel
Originaire d’Asie, les conquistadors espagnols acclimatèrent l’indigo dans les îles Caraïbes puis en Amérique Centrale vers 1520. Au début du XVII ° siècle, il est aussi introduit aux Antilles françaises.
Celui-ci va connaître un essor extraordinaire car :
– il peut produire pendant plusieurs années, la plante vivant 2 à 3 ans.
– il est prêt à l’emploi, offrant l’aspect d’une matière compactée, dure, faite de poudre agglomérée, facile à utiliser en teinture comme en peinture.
– enfin son prix est imbattable car on a recours à l’esclavage.
Inutile alors de persévérer dans l’usage laborieux, onéreux et délicat des cocagnes.
La mort économique du pastel survient donc au milieu du XVIII° siècle.
Renaissance du pastel sous Napoléon Ier
À l’aube du XIX° siècle, le pastel occitan, bien que moribond, est toujours présent sur quelques hectares concentrés autour d’Albi.
Sous le Ier Empire, le bleu entre majoritairement dans la couleur des uniformes de la « grande armée » mais le blocus continental décrété par Napoléon Ier prive l’Europe de plusieurs produits de première nécessité dont l’indigo exotique.
Sous l’impulsion de plusieurs chimistes dont le baron de Puymaurin, natif de Toulouse et membre du corps législatif de la Haute Garonne ou de Jean-Antoine Chaptal né en Lozère, docteur en médecine, sénateur et comte de l’Empire, la chimie fait de grands progrès. On délaisse donc l’antique technique de l’agranat de cocagne pour l’extraction chimique.
Par décret du 25 mars 1811, Napoléon Ier fait ensemencer 14 000 hectares de pastel dans les 130 départements de l’Empire et surtout dans les départements du sud-ouest.
Conclusion
Le pastel était souvent une culture marginale. Il n’était cultivé qu’en petite quantité, en marge des cultures vivrières, en ces temps où la nourriture était la préoccupation essentielle des paysans et des propriétaires fonciers.
Les paysans se méfiaient de cette plante fragile et exigeante dont le prix de vente variait énormément d’une année à l’autre. Ils n’étaient pas attirés par la perspective de gains importants car « l’or bleu » profitait davantage aux marchands qu’aux paysans, s’agissant en effet d’une culture très spéculative.
Michel RUFFIE