La fontaine miraculeuse Saint Jean-Baptiste de GOYRANS
Campé aux portes de Toulouse, sur la prolongation des coteaux de Pech David, et possédant une perspective telle qu’il en existe bien peu dans d’autres départements, le petit village de Goyrans a la chance de receler un modeste oratoire : la fontaine miraculeuse de Saint Jean Baptiste.
Qui pourrait deviner que se tapit, au fond d’une allée de 60 m environ sur 4 m bordée de frênes, chênes et arbrisseaux divers, un petit édifice précédé d’un ancien abreuvoir ?
Situé à quelques minutes de la place des marronniers en descendant par le chemin de terre de la côte du Bugat, à la limite des champs labourés, on aperçoit sur la gauche un petit bâtiment en briques foraines, où naît une source.
Cette source est à l’origine du choix de Saint Jean-Baptiste comme patron de l’église paroissiale. On sait que les sources, lieux vénérés du paganisme, furent en priorité christianisées.
Cet édicule fait non seulement partie du patrimoine foncier communal, mais encore d’un des nombreux éléments du patrimoine de notre pays.
Tout cela contribue à faire de n’importe quelle promenade en France un véritable enchantement.
L’histoire de cet humble monument nous est connue grâce à ma trisaïeule Marguerite Loubet qui détenait un livret de 46 pages transmis de génération en génération. Cet opuscule, imprimé en 1898, s’intitule « La dévotion à Saint Jean Baptiste à Goyrans ». L’auteur en est François Viraben, curé de Goyrans à cette époque.
Les preuves de l’ancienneté, essentiellement par la tradition orale.
Il est de tradition constante et de temps immémorial qu’il y avait autrefois à Goyrans une fontaine dite miraculeuse. Celle-ci est mentionnée sur le cadastre napoléonien de 1807 qui indique un terrain communal d’une surface de 2 a 32 ca avec un chemin s’élargissant à mesure que l’on approche de la fontaine de manière à former tout en haut, un grand demi-cercle.
Or nous savons que le cadastre napoléonien a été établi en s’inspirant des vieux compoix et livres terriers de l’Ancien Régime, ce qui pourrait prouver l’ancienneté de la fontaine sans cependant fournir une date certaine.
Vers 1820, du vivant de monsieur l’abbé Izard, curé des paroisses d’Aureville et Goyrans de 1814 à 1850, et de monsieur Joseph Niel, maire de Goyrans, cette fontaine est très en honneur dans la contrée. En effet, ses eaux jouissent de la vertu de guérir du « mal de Saint Jean » et des processions y sont organisées, notamment la veille de la Saint Jean Baptiste, le 23 juin.
Hélas, après des décennies d’abandon, entièrement comblée par les terres que le temps y avait accumulées et obstruée par les ronces et les épineux qui avaient poussé tout autour, cette fontaine n’existait plus que de nom et se trouvait réduite à un mince filet d’eau.
Sur la foi des témoignages précis et formels des habitants du village et en particulier de Jeanne Berjeaud née Boulouch, Pierre Albouy et Catherine Goudillon née Déjean, et voulant en avoir le cœur net, l’abbé Viraben décide en octobre 1893, d’organiser des fouilles.
Et là, contre toute attente, par la « grâce de Dieu », on trouve, à 1 m environ au- dessous du sol, un bassin rectangulaire en briques rouges d’une profondeur de 4 m.
Aussitôt, sous l’impulsion du curé de la paroisse et grâce aux dons de pieux fidèles, les travaux de reconstruction débutent en 1894 et sont terminés en 1895.
Les dépenses s’élèvent à la somme de 3000 francs.
Un petit bâtiment, entièrement en briques foraines et surmonté d’une croix en fer s’éleve désormais à plus de 4 m au dessus du sol. Il dispose d’une ouverture dotée d’un arc de briques en plein cintre. Au milieu du pignon, une petite niche est destinée à recevoir la statue du Saint aujourd’hui disparue.
En se penchant, on aperçoit l’eau claire à peu de distance qui autrefois s’écoulait dans la petite vasque de pierre accolée au bas de l’édifice.
Le mal de Saint Jean, « qu’es aquò » et avons-nous des témoignages de guérison ?
On parle du « mal de Saint Jean » pour les personnes atteintes d’abcès et tumeurs. Mais on peut aussi invoquer le Saint pour les jeunes mères qui attendent leur délivrance.
Pour demander la guérison, le rituel est très codifié :
Les malades doivent faire une « Neuvaine » ou un « Triduum » en l’honneur de Saint Jean. Ils sont tenus de réciter la prière spéciale pour Saint Jean Baptiste, avec le chapelet, auquel on ajoute après chaque dizaine et par trois fois l’invocation suivante :
« Saint Jean Baptiste, priez pour nous ».
Une neuvaine correspond à l’espace de 9 jours consécutifs pendant lesquels on fait divers actes de dévotion ou des prières en l’honneur d’un saint pour implorer son secours.
Un triduum consiste à dire des prières pendant 3 jours.
En même temps, les malades se frottent avec de l’eau de la fontaine miraculeuse ou selon un autre usage avec du vin béni dans lequel on aura mis de l’eau de la fontaine.
Les malades qui ne veulent pas faire de neuvaine ni de triduum peuvent se contenter de la récitation d’un chapelet avec les 3 invocations prescrites.
Les témoignages :
La plupart de ces dévotions n’ont généralement d’autre base que la tradition.
Qui a vu les faits sur lesquels reposent ces dévotions ?
Qui les a constatés ?
Où en sont les preuves et les témoignages ?
À Goyrans, les témoignages adressés au curé de l’époque par des habitants du village et des villages voisins sont consignés sur un registre qui se trouvait à la sacristie.
Nous nous contentons d’en citer quelques uns :
Monsieur le curé, souffrant depuis de longues années d’un mal très violent à la main droite et m’étant lavé avec l’eau de la fontaine de Saint Jean, la douleur a aussitôt diminué et depuis le mal a presque disparu. J’en remercie Dieu et notre saint patron qui m’a obtenu cette guérison. LOUBET Goyrans 1° mai 1894
Monsieur le curé, c’est avec les sentiments de la plus vive reconnaissance à l’égard de Saint Jean que je viens attester ma complète guérison. Atteinte d’un abcès qui avait gagné toute la partie du bras gauche et après des souffrances intolérables, je me suis lavée avec de l’eau de la fontaine de Saint Jean et peu après, l’abcès s’est percé. J’ai continué à me laver avec cette eau et à son tour la plaie s’est cicatrisée. Que Dieu en soit loué et aussi notre saint patron. GOUDILLON Goyrans 15 août 1894
Monsieur l’abbé, affligée d’un mal violent à la joue et persuadée que c’était le mal de Saint Jean, j’ai fait dire une messe et bénir du vin sous l’invocation du Précurseur. Le mal persistant, je me suis rendue à Goyrans où j’ai donné une modeste offrande à Saint Jean, pris une bouteille d’eau à la fontaine, avec laquelle je me suis lavée la joue et l’enflure a disparu. Gloire et reconnaissance à Saint Jean Baptiste. Bernadette LANTA Labarthe 1° octobre 1895
Les processions :
Avec la reconstruction de l’oratoire, les processions abandonnées depuis des décennies reprennent de plus belles.
Tous les organes régionaux de la presse catholique de l’époque, Le Messager de Toulouse, La Croix du Midi, L’Express du Midi et La Semaine Catholique de Toulouse prêtent leur concours et sous leur impulsion, les pèlerinages s’organisent.
Les pèlerins viennent non seulement de Goyrans et des villages voisins mais aussi de Toulouse. À partir de 1895, indépendamment des communautés religieuses et des paroisses qui peuvent venir en dévotion, il y a tous les ans un pèlerinage de la ville de Toulouse à Goyrans. Le départ s’effectue au 46 allée Saint Etienne à 7 h du matin. Le prix des places est de 1 Fr pour les enfants jusqu’à 10 ans et de 1 Fr 50 pour les plus âgés.
Ce pèlerinage annuel reste fixé au dimanche précédant la fête du saint ou au dimanche si celle-ci tombe ce jour là.
Pendant ces processions, les participants chantent notamment les deux cantiques composés, paroles et musiques, par l’abbé Viraben.
Le refrain du 1° cantique doit être interprété en « tempo di marcia risoluto » tandis que les couplets sont « andante ». Voici l’un de ces couplets :
Que Goyrans te vénère et proclame ton nom
Qu’il devienne à jamais un foyer de prières
Et que l’eau de ta source, ô notre saint patron
En ranimant la foi, soulage nos misères.
126 ans plus tard, ce simple édifice religieux, symbole d’une époque et d’une foi
« celle du charbonnier » est toujours debout au fond de son allée. Il a bien l’intention de continuer à faire face aux assauts répétés du vent d’autan « que bufo un cop cado més ». Cependant, il mériterait grandement d’être rénové et ses abords aménagés.
Michel RUFFIE